du 20 février au 03 avril 2022 chez Laurel Parker Book / Romainville
Propos de Stéphane Corréard
Depuis seize ans, 42×60 appose chaque année, dans l’espace public à Paris, trois mille exemplaires d’une nouvelle affiche au format A2, spécialement conçue par un artiste.
Cette activité a commencé en septembre 2006, avec une composition photographique créée par l’artiste wallon Patrick Everaert, connu pour son travail de recyclage des images de l’imaginaire indirect, qu’il compose à partie de prélèvements dans des sources médiatiques dont, de préférence, il ne comprend pas la langue.
Ces affiches sont apparues à un rythme irrégulier dans une quinzaine de quartiers parisiens, parfois à l’étranger.
Plusieurs affiches arborent des corps fragmentés, stoppés net dans un mouvement arrêté, à l’image du bras en perspective frontale de Georges Tony Stoll (2007), des combattants en action de Danielle Gutman Hopenblum (2016) ou des mains et des pieds en fleurs de Toru Nagahama (2009). Les nus sont récurrents.
Nombreuses sont les images faisant écho à l’architecture, proposant un autre espace qui trouerait les murs de l’espace urbain qu’elles recouvrent, à l’instar des coins de table de Michel Bousquet (2019) ou de Saara Ekström (2010) ; sur la plage de Susanna Hesselberg (2007) repose face contre sable un Icare/albatros, Exilé sur le sol au milieu des huées. Recomposés, ces espaces sont souvent savants et d’une géométrie complexe, à l’image de l’origami de triangles et de disques de Franziska Holstein (2015).
42×60 n’est pas loquace. Les mots n’y sont pas proscrits, mais demeurent rares. Ils sont plutôt réservés aux vidéos publiées en parallèle sur le site internet éponyme, prononcés avec infiniment de délicatesse par les artistes eux-mêmes : Je peux partir de rien, s’il y a la lumière, assure par exemple Dries Segers en octobre 2018.
Perpétué par Carole Chichet et Malvina Silberman, l’art du placardage est vieux comme le monde ; au Moyen-Âge les disputationes – ces joutes verbales sur un point de doctrine religieuse – trouvaient ainsi un écho au sein de la communauté, d’autant plus large qu’ils abandonnaient le latin pour se fondre dans la langue vulgaire. Longtemps, l’affichage fut réservé aux paroles royales ou religieuses, puis vinrent les harangues, la propagande, la réclame. L’affiche de ville, ou bilboquet, connut alors un tel essor qu’on alla jusqu’à la qualifier de reine de la ville.
C’est l’orgueil de l’art, d’être inutile. Ce qui ne signifie nullement qu’il ne sert à rien. En venant à notre rencontre sans que nous les sollicitions, les affiches semées dans la métropole par 42×60 me font penser aux alliés décrits par l’écrivain anthropologue Carlos Castaneda, ces entités inorganiques protectrices qui parfois miraculeusement se matérialisent, nous sollicitent par leur seule présence mais, si nous ne les remarquons pas, s’évanouissent à jamais sans laisser aucune trace de leur manifestation terrestre : les négligeant nous n’aurions plus, alors, à nous en prendre qu’à nous-mêmes.
L’espace Laurel Parker Book est situé à Komunuma, nouveau quartier culturel à Romainville, aux côtés des galeries Air de Paris, In Situ-Fabienne Leclerc, Galerie Sator, Jocelyn Wolff et Jeune Création.
La mission de notre galerie est de créer un lieu permettant au public de voir des livres d’artistes et de comprendre leurs spécificités. Nos expositions ponctuelles partagent un espace avec une librairie de livres d’artistes, l’atelier et la bibliothèque de Laurel Parker Book (livres d’artistes, livres photos, livres techniques). Ce lieu est ouvert à tous. Une programmation de conférences, workshop, et lancement de livres complète notre mission.
Horaires de la galerie :
du mardi au samedi, 10h – 18h
Site web de Laurel Parker Book
Retrouver toutes les infos
dans le livret de l’exposition :
Une nouvelle affiche de Sara Mackillop y sera présentée pour l’occasion